[Les Jargonautes 7] La non-binarité de genre
Ça veut dire quoi être "non-binaire" ?
Dans la série “les Jargonautes”, j’explore les concepts de justice sociale en donnant du contexte, des ressources, et une analyse.
Définition
Les personnes non-binaires sont des personnes qui ne se reconnaissent pas dans la binarité de genre. C’est à dire qu’elles ne se sentent pas strictement femme ou homme1.
La non-binarité est une identité de genre qui regroupe des expériences très variées, et différentes : des personnes qui se sentent parfois femmes, parfois hommes ; des personnes qui n’ont pas de genre du tout ; des personnes qui se sentent femmes et hommes à la fois ; des personnes qui se sente à la fois neutres et à la fois d’un genre binaire (femme ou homme)… Les possibilités sont plus ou moins infinies et les expériences multiples.
Les personnes non-binaires peuvent transitionner socialement et médicalement, mais peuvent aussi ne pas transitionner, d’ailleurs il y a parfois désaccord entre les personnes non-binaires qui considèrent que la non-binarité est un sous-groupe de la transidentité et celles qui considèrent que ce sont deux choses séparées2.
Mais ça veut dire quoi, vraiment ?
A la naissance, notre genre est considéré comme étant en adéquation avec nos caractéristiques physiques sexuées. Globalement, si on a un pénis, on est considéré comme étant du genre masculin, si on a un vagin, du genre féminin. Et statistiquement, c’est pas forcément déconnant, puisque c’est l’expérience la plus courante.
Mais comme dans absolument tous les domaines du vivant, il y a la norme, ce qui est le plus courant, et il y a tout ce qui sort de la norme. En l’occurence, sur la question du genre, on peut ne pas se reconnaître du genre qui nous a été attribué (on dit “assigné”).
C’est quelque chose qui est plutôt pas trop mal compris aujourd’hui sur la question des personnes trans : les femmes trans ne se reconnaissent pas du genre masculin qu’on leur a assigné à la naissance, les hommes trans ne se reconnaissent pas du genre féminin quo’n leur a assigné à la naissance.3
La non-binarité est encore très invisibilisé dans notre société et souvent très mal comprise (non pas que la transidentité soit parfaitement acceptée pour autant hein). Et de fait, ça demande un peu plus d’effort à comprendre. Parce que s’il est finalement pas trop difficile d’imaginer qu’une personne puisse être femme ou homme même si ce n’est pas ce qui avait été décidé à sa place à sa naissance, pour comprendre la non-binarité il faut réussir à faire un pas de recul et sortir de la binarité de genre. Il faut admettre, comprendre et intégrer le fait que ce qu’on nous dit depuis toujours est faux : les gens hommes et femmes ne sont pas les seuls genres qui existent, ils ne sont pas le point de référence pour tout le monde, et ne sont pas une expérience universelle.
Une personne non-binaire sort de la binarité, et c’est tellement difficile à comprendre que souvent on explique les diverses expériences en se basant encore sur la question du rapport au genre masculin et féminin, comme je l’ai fait dans l’introduction, parce que c’est ce qui nous permet de garder des repères et de conceptualiser. Mais c’est surtout une simplification pour pouvoir avoir un langage commun, il y a aussi des tas d’expériences de genres non-binaires qui ne s’appuient pas sur un rapport à la binarité, qui sont leurs propres expériences : par exemple, expliquer ce qu’est le fait d’être agenre (ne pas avoir de genre) est un vrai casse tête, c’est une expérience tellement éloignée de celle de la plupart des autres identités de genre que c’est difficile de savoir comment l’articuler.
Ces expériences peuvent paraître anecdotiques. Il y a de grandes chances que vous ayez déjà rencontré une personne trans, mais que vous pensiez n’avoir jamais rencontré de personne non-binaire… En réalité, les statistiques sont surprenantes : un sondage en france a montré que 13 % des 18-30 ans seraient hors de la binarité de genre, d’autres études mettent le chiffre plutôt aux alentours de 6 %… Quoi qu’il en soit, on est loin de l’anecdotique.
Alors pourquoi ce manque de visibilité ? Le fait de ne pas avoir d’existence administrative joue forcément. Le fait que beaucoup de personnes non-binaires ne ressentent pas de besoin de transitionner médicalement aussi. Et comme c’est parfois très compliqué à expliquer aux personnes qu’on connaît, et que revendiquer cette identité amène des discriminations et de la violence, beaucoup de personnes non-binaires ne sont pas forcément out en dehors de certains cercles où elles savent qu’elles peuvent l’être sans danger.
Et comme pour toutes les identités LGBTQIA+ qui sont invisibilisées, cette “protection” n’en est pas vraiment une. Parce que ce que toutes les études montrent c’est bien que ne pas pouvoir être soi-même est un poids terrible et que c’est une souffrance au quotidien qui vous grignote petit à petit.
Pour aller plus loin
L’article du wikitrans : Le wikitrans c’est une ressource incontournable sur les questions de genre, et leur article sur la non-binarité est hyper complet, pédagogue et très clair. C’est l’article que j’enverrais à toute personne qui me demanderais “ça veut dire quoi être non-binaire ?”.
Respecter la non-binarité de genre en français : Si vous cherchez des ressources sur l’évolution du français vis à vis des questions sociales (particulièrement sur la question de la gestion de la diversité de genres en français), c’est du côté du Québec qu’il faut regarder, iels sont bien plus avancés que nous sur ces questions. Ici, un article de blog qui parle de non-binarité sous l’angle de “comment on l’exprime en français ?”, une question brûlante vu que notre langue est genrée à tous les niveaux et qu’il n’y a pas de neutre.
L’article de wikipedia : Il n’est pas parfait, mais il aborde quelques points qui ne sont pas abordés dans l’article de wikitrans et qui sont intéressants pour compléter. (Par exemple : la journée de visibilité des personnes non-binaires c’est le 14 juillet ! Cocorico !)
Notez que la non-binarité de genre est une identité de genre, elle n’a rien à voir avec la biologie ou ce à quoi le corps de la personne ressemble.
Cette conversation est hyper intéressante mais on n’entrera pas dedans, il faudrait un article complet et ça n’est pas le thème.
Notez que je dis “ne se reconnaissent pas” dans le sens le plus premier degré du terme : ces catégorisations ne collent pas à la réalité de ce que ces personnes vivent.