[Les Jargonautes 3] Le misogynoir
Un terme permettant de mieux comprendre la spécificité de l'expérience des femmes noires.
Une fois par mois, le deuxième jeudi du mois, la série “les Jargonautes” explore un concept de justice sociale en donnant du contexte, des ressources, et une analyse.
En ce mois de lutte contre le sexisme, j’essaie d’aborder autant de thèmes possibles liés au sujet et de mettre en relief les facettes différentes de cette lutte. S’il y a une chose que j’ai compris en avançant dans le féminisme c’est bien que LA FEMME n’existe pas. Les femmes existent. Et nos expériences varient de l’une à l’autre, parfois avec des écarts tels qu’il est différent de trouver un terrain d’entente.
Oui, l’oppression par notre genre, le sexisme/la misogynie est ce qui nous permet d’être dans le même groupe social. En dehors de ça, je ne suis pas sûre qu’il y ait grand chose qui soit vraiment universel au fait d’être une femme. Et même ce sexisme qui, tristement, nous lie toutes n’est pas forcément exactement le même. Quand une femme comme Catherine Deneuve en plein #MeToo signe une tribune pour avoir le droit d’être importunée, où on nous dit qu’en gros le harcèlement de rue c’est quand même bien sympathique, ça n’est pas un hasard. Son expérience est tellement éloignée de la réalité de la plupart des femmes, du fait de sa richesse, son statut social, son pouvoir (la couleur de sa peau, le fait qu’elle est valide, son identité de genre cis, son hétérosexualité, le fait qu’elle est valide…) qu’elle n’est pas confrontée à la violence du sexisme. Et les rares fois où elle l’est, elle a assez de pouvoir pour en sortir gagnante.1
Catherine Deneuve ne voit sûrement pas quand son ami Depardieu (aucune idée s’ils sont vraiment amis en réalité) agresse les petites figurantes/débutantes. Elle n’est sûrement pas dans la même pièce et si elle l’est, elle verra ça comme un jeu de séduction, puisque ces femmes sont bien obligées de rentrer dans le jeu de l’agresseur si elles veulent s’en sortir.
Bref. Etre une femme n’a rien d’universel. Nous avons toutes nos expériences, certaines s’en sortent mieux que d’autres, et même sans mettre une échelle entre les expériences (quoi que honnêtement avec une Catherine Deneuve, je ne peux que me dire que la vie serait bien douce si j’avais son niveau de pouvoir), nos expériences sont différentes et il est important de ne pas l’oublier et d’étudier ces différences si on veut vraiment que notre féminisme inclue toutes les femmes, et pas seulement les femmes qui nous ressemblent.
Il y a quelques jours je vous ai parlé dans ma série sur la grossophobie de comment le sexisme associé à la grossophobie crée une sorte d’oppression qui vient se greffer en plus à ces deux oppressions déjà subies. Aujourd’hui, on va découvrir ensemble ce qu’est le misogynoir, qui est l’intersection du sexisme et du racisme que les femmes noires subissent.
Définition
Le misogynoir n’est pas une oppression qui me concerne. J’ai découvert le terme, et le principe, lorsque j’ai commencé à m’éduquer sur les question de l’anti-racisme en lisant des afro-féministes, souvent anglophones. Ce terme m’a tout de suite marquée pour deux raisons : 1) ça m’a tout de suite parlé, sûrement parce que j’essayais moi-même d’articuler comment le fait de cumuler les axes d’oppressions semblait créer de nouveaux niveaux d’oppressions que les personnes qui n’étaient pas à ces intersections avaient du mal à percevoir 2) j’ai trouvé le terme très bien choisi et très utile. Encore aujourd’hui, je souffre qu’il n’y ait pas de terme pour parler par exemple de l’intersection entre misogynie et grossophobie, ou misogynie et validisme. Pouvoir nommer un concept c’est super important pour pouvoir ensuite en parler, les afro-féministes ont compris ça.
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