C’est le mois des fiertés LGBTQIA+ et cette année j’ai décidé de dédier à nouveau le mois à des articles sur des sujets liés aux enjeux LGBTQIA+ !
Il y a quelques temps je lisais un énième article qui parlait des évolutions de la représentation LGBTQIA+ au cinéma et qui s’enorgueillait d’à quel point les choses avaient évolué ces vingt dernières années. Et de fait, ce serait malhonnête de ma part de dire qu’il n’y a pas eu d’évolution. Entre mon adolescence et celle de la génération d’aujourd’hui, il y a un monde. A mon époque, Buffy était la première série en prime time à montrer un baiser lesbien, Dawson la première série en prime time à montrer une relation entre deux hommes… Autant vous dire qu’on était très loin des fictions d’aujourd’hui qui comptent en général au moins un perso gay ou lesbien et qui, très souvent, gère assez correctement cette représentation.
Et si je suis très contente qu’on soit enfin sorti·es de la trope du meilleur ami gay du début des années 2000, il y a quand même encore une représentation très limitée des identitées LGBTQIA+ dans la fiction aujourd’hui. Il y a une certaine représentation qui semble okay, souvent sur les identités vues comme respectables, mais dès qu’on se tourne vers les groupes les plus marginalisés de la commu, ça devient vite rapide de compter le nombre de réprésentation, souvent bancale, parfois complètement à côté de la plaque.
It’s Okay To Be Gay
Imaginez un peu ce que c’était qu’être queer dans le début des années 2000. Vous êtes là à regarder Buffy et soudain l’un des personnages principaux, qui jusque là semblait parfaitement hétérosexuelle1 rencontre une fille dans un groupe de wiccan et… Mhhh… Attendez quoi ??? Elles tombent amoureuses !! Elles sont en couple !!… Sauf que comme on est au début des années 2000 dans une série mainstream, bah vous allez vous taper presque deux saisons de sous-texte avant d’avoir le droit à un baiser2 et des scènes où on les voit enfin vivre leur relation comme n’importe quel autre couple de la série.
Et puis petit à petit, vous commencez à voir de plus en plus de couple queer à la télé, au cinéma, et vous vous dites que les choses avancent… Et vingt ans plus tard, vous vous rendez compte qu’à un moment elles ont arrêté d’avancer.
Oui il y a aujourd’hui des représentation bien plus diversifiées de femmes lesbiennes et d’hommes homosexuels. On est à peu près sorti·es des stéréotypes pour ces groupes et on a maintenant la plupart du temps de vrais personnages. Il y en a toujours plus pour les hommes homosexuels, parce que la patriarcat et la lesbophobie sont toujours là, mais globalement je peux vous citer une dizaine de fictions de ces dernières années où il y avait des lesbiennes ou des gays.
Mais on dirait parfois que la représentation s’est arrêtée là. Les autres identitées de la communauté LGBTQIA+ sont relativement inexistantes de la fiction. Si je vous demande de me citer trois séries qui ont des personnages trans, vous aurez sûrement du mal, et celles que vous me citerez seront sûrement des séries queer3, et pas des séries grand publique4. Et souvent quand on gratte un peu, la représentation est assez limitée : les personnages sont rarement des personnages principaux, iels ont rarement autre chose que des trucs liés à leur transition comme storylines, et bien sûr en général ce sont des personnes trans avec parfait passing5 et qui en gros ont fini leur transition.
Et quelque part, du fait de la surmédiatisation des enjeux liés à la transidentité, on a vu arriver plus de personnages trans dans les fictions, ce qui est cool, même si on est encore loin de quelque chose de correct.. Mais si je vous demande de me citer un personnage explicitement bisexuel ? Non mais explicitement hein, où le mot est utilisé. Perso je peux vous en citer une pincée, parce que je cherche ce genre de séries, mais pas plus. Même the 100 avec son héroïne clairement bisexuelle ne dit jamais le mot. On se souviendra de Orange Is The New Black qui a passé son temps à tourner autour du mot comme s’il n’existait pas au point où c’en était insultant. De tête, il y a Wynnonna Earp qui qualifie constamment l’un des personnages comme bi et qui l’affirme et corrige les personnes qui la qualifient de lesbienne, alors même qu’elle est dans une relation avec une femme pendant toute la série (et que c’est genre LA relation stable de la série). Bravo Wynonna Earp, bouh toutes les autres séries qui refusent de nommer la bisexualité.
Et si je suis encore plus méchante, je peux vous demander me nommer une série où une personne est explicitement asexuelle. J’en ai une, Legends Of Tomorrow, un petit ovni queer et bien plus politiquement basé que la plupart des séries qui essaient de se donner le genre. Mais autrement, les personnes asexuelles existent dans la fiction, il y a des tas de personnages qui n’ont pas de relations amoureuses ou sexuelles, qui n’en expriment pas le besoin, même qui le revendiquent… Et le mot asexualité n’est jamais prononcé.
I Kissed A Girl
Une fois où je râlais de ce manque de représenation asexuelle, une personne a commencé à me citer une liste sans fin de personnages qui pouvaient être perçus comme asexuels… Et de fait, la plupart de ces personnages avaient tous les comportements d’une personnes asexuelle, iels étaient écrit·es comme ça. Mais en fait une représentation dans le placard n’est pas une représentation.
Si je fais une série et qu’un des personnages a tous les codes culturels et fictionnels de l’homme gay mais qu’à aucun moment il ne l’affirme, qu’à aucun moment il n’est en couple/a des relations avec des hommes, tout le monde va me tomber dessus en me disant que je fais du queerbaiting6, à raison. Bah présenter un personnage avec tout le sous-texte de l’asexualité sans jamais l’expliciter, c’est aussi du queerbaiting.
Et au-delà des identités qui ne sont pas, ou très peu, représentées, il y a aussi un gros problème de représentation complètement dépolitisée. En fait, il y a des fictions queers qui cherchent ouvertement un publique queer et qui donc vont faire des représentations plus subtiles, plus diverses, plus proches de la réalité. Et il y a les fictions mainstreams qui vont déjà trouver que mettre une lesbienne sans la tuer7 c’est un gros effort.
La communauté LGBTQIA+ n’existe que dans sa diversité et dans sa versatilité. Pose a bien fait le job de ce côté là, on y voyait des tas de personnes très différentes aux identités et relations à leurs orientations sexuelles et identités de genre très différentes. C’est ça qu’il nous faut dans la fiction si on veut dépasser cette vision minimaliste des personnes queer. Il nous faut des personnages complexes et intéressant qui soient gays, lesbiens, bi·es, trans, non-binaires, asexuel·les, aromantiques… Il faut sortir des cadres que la fiction nous impose et reconnaître l’existence de nos adelphes.
Sauf dans sa version vampirique (et fuck Joss Whedon bien sûr)
bien sûr le couple était sensé être actif sexuellement bien avant ça hein, il y a d’ailleurs des scènes très sexy avec moult sous-texte, mais un simple baiser il aura fallu attendre presque deux saisons là où les couples hétéros s’embrassant pas de souci
Par exemple, j’adore Sense8 et c’est une série qui a touché beaucoup de gens, ça reste une série assez niche chez les hétéro-cis. Idem pour Pose, qui est un bijou, mais qui je pense a été vu par à peu près trois personnes hétéro-cis…
Un contre exemple est “Family Law”, petite série canadienne où il y a une femme trans dans les personnages principaux, qui n’est en plus pas une femme jeune, qui existe en dehors de sa transidentité et dont les enjeux liés à sa transidentité sont pour le moment bien gérés. La série est divertissante et pas grand chose de plus mais vaut le coup d’être vue rien que pour cette représentation.
le passing chez les personnes trans c’est le fait de “passer” pour son genre. Une femme trans qui a un bon passing par exemple ne sera pas vue comme trans dès le premier regard.
traduit littéralement : appât à queer. C’est le procédé en fiction d’écrire des personnages/des relations comme s’iels étaient LGBTQIA+ mais uniquement dans le sous-texte, sans jamais l’expliciter, afin de gagner le publique queer sans perdre le publique hétéro-cis.
Il y a une trope qui fait que les lesbiennes dans la fiction se font constamment dégommer. Ca existe aussi avec les hommes gays mais c’est vraiment plus visible avec les lesbiennes.
Je ne connais pas Pose. Vais me renseigner.