Bon, on est mardi, câest le jour de ma newsletter et⊠Câest lâanniversaire dâadoption de Trufa ! Vous croyez vraiment que jâallais vous parler dâautre chose ? â MALTRAITANCE ! â se serait Ă©criĂ©e Trufa1, et elle aurait eu bien raison.
Il y a trois ans je passais la journĂ©e la plus longue de ma vie⊠A attendre que Trufa arrive enfin dans mes bras ! Elle faisait tout un pĂ©riple dâEspagne et je donnais une formation en regardant rĂ©guliĂšrement le groupe de discussion whatsapp de lâassociation pour savoir oĂč en Ă©tait le transport. Jâavais eu une photo dâelle Ă son dĂ©part, dans sa petite cage de voyage et iels mâavaient prĂ©venue quâelle avait eu trĂšs peur en entrant dans le camion et quâelle serait donc sĂ»rement secouĂ©e Ă lâarrivĂ©e.
A deux heures du matin sur une air dâautoroute Ă plus dâune heure de chez moi, sous une pluie battante, aprĂšs avoir mangĂ© une salade de pĂąte parce que jâavais faim et quâil nây avait pas de sandwich vĂ©gĂ©tarien, jâai finalement rencontrĂ© ma petite Trufa qui, de fait, avait eu un voyage trĂšs difficile. Je suis montĂ©e Ă lâarriĂšre de la voiture avec elle et lâai laissĂ©e se calmer autant que possible en ma prĂ©sence. TrĂšs rapidement, elle a tendu son long cou pour avoir des petites gratouilles et sâest un peu dĂ©tendue et le lien Ă©tait nouĂ©âŠ
Nightflyer
ArrivĂ©e Ă 5 heure du matin chez moi, on a filĂ© dans ma chambre et elle sâest roulĂ©e en boule sur le lit. Je me suis couchĂ©e, pas trop prĂšs, pas trop loin, ma main tendue vers elle et aprĂšs quelques papouilles, on sâest endormies.
Quatre heures plus tard, on se rĂ©veillait aux sons de mon colocataire et de la colocachienne qui se levaient. Les deux chiennes sont instantanĂ©ment devenues meilleures amies du monde, alors que la colocachienne nâavait globalement jamais vu dâautre animal chez elle depuis deux ans quâelle vivait avec nous. Aucune agressivitĂ©, aucune peur, on aurait dit quâelles sâĂ©taient attendues toute leur vies. âAh bonjour, tu vis lĂ toi maintenant ? â âoui !â âEt bien bienvenue ! Tu veux de mes croquettes ?â
Bon Ă part quâil a fallu apprendre Ă la colocachienne quâelle nâavait pas Ă laisser la place Ă la gamelle Ă Trufa et Ă Trufa de ne pas en profiter pour lui voler quelques croquettes, franchement, câĂ©tait incroyable de les voir interagir. Il leur a fallu trĂšs peu de temps pour construire une routine, apprendre Ă se connaĂźtre, Ă voir leurs limites. âAh bon, tu veux pas que je vienne te rĂ©veiller en te donnant des coups de museau quand tu es dans ton panier ? Okay !â âAh bon tu veux jouer Ă la bagarre le matin ? Okay !â
Les gens me demandent souvent si ça a Ă©tĂ© compliquĂ© dâintroduire Trufa dans lâappart vu quâil y avait dĂ©jĂ la colocachienne, quâon avait eue bĂ©bĂ© et qui nâavait jamais vĂ©cu avec dâautres animaux et en fait câest mĂȘme pas que ça a Ă©tĂ© facile, ça nâa mĂȘme pas Ă©tĂ© une question.
Et en fait, ça a Ă©tĂ© pareil avec moi. En quelques jours pratiquement toutes nos routines Ă©taient posĂ©es. Trufa mâa tout de suite fait confiance, elle a tout de suite compris que jâĂ©tais son humaine et elle mâa traitĂ©e comme telle. On a eu trĂšs peu de choses Ă rĂ©guler au dĂ©but : Ă part le bruit de la ville qui lui faisait peur quand on se baladait, ce qui lui a pris Ă peu prĂšs un mois Ă surmonter graduellement, et le fait de lui apprendre Ă sâasseoir sur commande (ce qui en fait a Ă©tĂ© assez simple une fois que jâai compris quâil fallait la motiver avec de la bouffe2), vraiment la phase dâadaptation a Ă©tĂ© trĂšs cool.
Et aprĂšs il y a eu tous ces paliers un peu intangibles oĂč jâai senti quâelle sâinstallait un peu plus dans notre petit monde. Aux environs de 3 mois de vie commune jâai trouvĂ© quâelle semblait sâapproprier nos routines diffĂ©remment : elle imposait ses trucs (elle a eu une pĂ©riode oĂč elle voulait absolument dormir dans le salon, puis a fini par revenir dans la chambre mais jâavais plus le droit de fermer complĂštement la porte pour quâelle puisse explorer si elle le voulait pendant la nuit, par exemple). Aux alentours de un an, je ne sais pas exactement ce qui sâest passĂ© mais elle mâa paru allĂ©gĂ©e. Elle a montrĂ© certains trucs de son caractĂšre quâelle montrait moins, son cĂŽtĂ© autoritaire par exemple, comme si elle se disait âBon bah câest bon, cette fois je peux vraiment montrer qui je suisâ3.
Et depuis ? Depuis câest que du bonheur bien Ă©videmment, parce que Trufa est la chienne la plus merveilleuse du monde.4
By Your Side
Jâai mis huit mois Ă avoir Trufa dans mes bras. Six mois pour la trouver et presque deux mois dâattente ensuite quâil y ait un transport pour quâelle vienne jusquâĂ moi.
Ma recherche nâĂ©tais pas trĂšs compliquĂ©e : je voulais une chienne, moins de 10kg, qui soit sociable avec les autres animaux. Jâavais aucun critĂšre de race, dâĂąge, de provenance. Et pourtant jâai mis plus de six mois Ă trouver Trufa⊠Globalement mon problĂšme principal Ă©tait que les associations ne me rĂ©pondaient pas. Je leur envoyait un dossier de candidature dâadoption dĂ»ment rempli (certains prenaient des heures Ă remplir) et jâattendais⊠Et jâattends toujours.
Une amie avec qui je discutais pendant cette pĂ©riode me disait que ça avait Ă©tĂ© pareil pour elle et quâelle avait eu des rĂ©flexions parce quâelle Ă©tait cĂ©libataire. Jâimagine que comme je cumulais : cĂ©libataire, en colocation et en appartement, ça nâaidait pas. Pourtant jâĂ©tais aussi en tĂ©lĂ©travail total, et le foyer avait dĂ©jĂ une chienne que jâexpliquais toujours dĂ©jĂ sortir plusieurs fois par jour, pour moi tout ça câĂ©taient de bons arguments il me sembleâŠ
JâĂ©tais trĂšs en colĂšre contre les associations Ă lâĂ©poque. Dâautant plus que pour plusieurs je voyais les chiennes ĂȘtre toujours Ă lâadoption, alors que bien Ă©videmment je ne postulais que pour des chiennes qui avaient un profil qui sâadaptait Ă mon contexte, donc aucune raison de me refuser sur dossier sans discuter ou quoi. A un moment je me suis dit que jâallais devoir finir par acheter une chienne chez un Ă©leveur mais je ne pouvais pas justifier ça Ă©thiquement. Alors je me suis accrochĂ©e. Et jâai trouvĂ© Trufa⊠Qui dâailleurs nâĂ©tait pas la chienne pour laquelle jâavais envoyĂ© le dossier Ă la base, mais cette chienne avait un problĂšme de santĂ© quâiels venaient de dĂ©celer qui faisait que les escaliers câĂ©tait pas possible et je vis au deuxiĂšme Ă©tage. Alors le monsieur de lâassociation mâa dit âon a une petite chienne, je pense quâelle vous irait trĂšs bien, elle est apaisante, elle sâappelle Trufaâ et jâai vu une photo et câĂ©tait elle, ma chienne.
Joyful Motherfuckers
Le premier chien quâon a eu avec ma famille, Mask, il y a une Ă©ternitĂ© en 1996, Ă©tait un petit chiot dâĂ©levage. On lâa adorĂ© mais il avait un caractĂšre hyper compliquĂ©, et le pauvre est mort au bout de quatre ans5. Alors les arguments âles chiens adultes on les a moins longtempsâ ou âun chien de refuge câest dur Ă (rĂ©)Ă©duquerâ ça ne me parle pas vraiment. Quelques annĂ©es aprĂšs Mask, on a eu une (toute) petite york, MaĂŻs, qui avait quatre ans et quâon a recueillie aprĂšs une vie de maltraitances⊠Et on lâa aimĂ©e tout autant que notre petit chien adoptĂ© chiot. Et on lâa gardĂ©e bien plus longtemps.
En 1996 acheter un chien Ă©tait une pratique tout Ă fait normale. Jâimagine quâil y avait dĂ©jĂ des gens pour la dĂ©noncer, bien sĂ»r, mais câĂ©tait il y a presque trente ans6 et honnĂȘtement, les questions de la maltraitance animale et de lâexploitation animale nâavaient pas autant de visibilitĂ© quâaujourdâhui. On Ă©tait une famille avec deux enfants de moins de dix ans et des poignĂ©es dâenfants de tous les Ăąges continuellement chez nous, Ă lâĂ©poque ça semblait aussi plus sĂ©curitaire de prendre un chiot, et de le prendre en Ă©levage pour Ă©viter tout trauma ou problĂšme de ce genre.
Aujourdâhui bien sĂ»r, je sais dâexpĂ©rience quâon peut avoir des chiens tout Ă fait adaptĂ©s Ă ce genre de contexte en les adoptant. Trufa aurait Ă©tĂ© trĂšs heureuse avec une armĂ©e dâenfants et se serait sĂ»rement bien plus laissĂ©e papouiller que Mask ne le faisait.
Il y a quelques temps jâai lu quelquâun argumenter le fameux âAdopt, donât shopâ (adoptez, nâachetez pas) et qui parlait justement des gens qui se plaignent de ne pas rĂ©ussir Ă trouver de chien qui leur convienne Ă lâadoption et qui finissent par acheter en Ă©levage. Et la personne a formulĂ© un truc que je nâavais jamais rĂ©ussi Ă articulĂ© mais qui a parfaitement dĂ©crit pourquoi je nâavais pas rĂ©ussi Ă mâen convaincre au moment oĂč jâĂ©tais dĂ©sespĂ©rĂ©e de ne pas rĂ©ussir Ă trouver une nouvelle compagnonne de vie : dire âpuisque je nâarrive pas Ă adopter je vais acheterâ câest toujours voir lâanimal comme un bien, un objet, une possession, et pas comme un ĂȘtre quâon accueille dans sa famille.
Et la personne ajoutait aussi quâil y avait cette idĂ©e de surconsommation : on doit avoir le produit Ă tout prix, on ne peut pas attendre, il nous le faut MAINTENANT.
Jâai toujours dit que je vivrais avec des chiens, je nâimagine pas ma vie sans. Jâai commencĂ© Ă mettre âun chienâ sur ma liste de noĂ«l quand jâai commencĂ© Ă faire des listes de noĂ«l. Et en tant quâadulte, jâai Ă©tĂ© trĂšs longtemps dans des contextes de vie qui ne me permettaient pas dâaccueillir un chien de façon correcte, et câĂ©tait une vraie souffrance. Je nâai aucun souci Ă ĂȘtre cĂ©libataire, ne pas avoir dâenfant est un choix que je ne regrette absolument pas, mais la vie sans chien est vraiment une source de tristesse, de manques.
Quand je me suis installĂ©e en colocation, lâune des premiĂšres discussions quâon a eues avec mon coloc avant mĂȘme que je ne signe le bail Ă©tait : est-ce quâon Ă©tait okay de vivre avec des animaux ? Je suis sĂ©vĂšrement allergique aux chats, donc je lui ai dit que les chats ce ne serait pas possible, par contre je comptais adopter un chien dĂšs que possible⊠Ce Ă quoi il mâa rĂ©pondu quâil comptait aussi adopter un chien dĂšs que possible. Bon bah, une maison Ă deux chiens donc !
Il a adoptĂ© la colocachienne et pendant un moment ça mâa permis de vivre un peu sereinement le fait que, finalement, ma situation Ă©tait encotre trop compliquĂ©e pour adopter. Mais câest sa chienne, il est son humain, câest lui qui sâen occupe. Jâadore la colocachienne et elle mâadore, mais câest trĂšs diffĂ©rent. Alors quand jâai enfin eu la bonne situation, jâai lancĂ© les recherches.
Et ça a pris des mois. Et câĂ©tait frustrant. Et triste, parce que je voyais tous ces chiens qui attendaient dâĂȘtre adoptĂ©s⊠Et jâavais lâimpression que ça nâarriverait jamais. Et câĂ©tait le point culmunant dâannĂ©es Ă ĂȘtre triste de ne pas pouvoir avoir un chien avec moi. Et pourtant, Ă©thiquement, dĂ©cider dâacheter un chien en Ă©levage nâaurait pas Ă©tĂ© le bon choix. Parce que les Ă©levages ne sont pas Ă©thiques, parce que câest entretenir un systĂšme contre lequel je milite. Parce quâil y a des tas de chiens en refuge qui nâattendent que de trouver leur famille, leur foyer, un peu de paix.
Adopter une chienne est quelque chose que jâai fait pour moi : je voulais vivre avec une chienne. Mais câest aussi quelque chose que je faisais pour quelquâun dâautre, la chienne, et câĂ©tait une relation que je voulais tisser. CrĂ©er une relation avec un ĂȘtre que vous avez achetĂ© et qui a Ă©tĂ© créé comme un objet, je ne trouve pas ça Ă©vident.
Mais quâest-ce que jâaurais fait si je nâavais pas trouvĂ© Trufa ? Est-ce que je serais restĂ©e droite dans mes bottes, Ă©thique jusquâau bout, si la recherche nâavait rien donnĂ© aprĂšs un an, deux ans ?⊠Je ne sais pas. Je prĂ©fĂšre croire, en thĂ©orie, que je serais restĂ©e alignĂ©e avec lâidĂ©e quâil nây a pas de âdroitâ Ă adopter un animal. Que ça ne mâest pas dĂ». Que, quelque part, câest une chance et une responsabilitĂ© (et beaucoup de bonheur bien sĂ»r) mais que ce nâest pas quelque chose que je devrais forcer. Parce quâon parle dâun ĂȘtre vivant, un membre de la famille, et pas dâun produit.
Oui, elle parle, acceptez-le.
bon deux dĂ©fauts Ă cette tactique : 1) pendant longtemps elle refusait de le faire si elle ne voyait pas de la bouffe dans ma main⊠2) pendant un moment elle a considĂ©rĂ© que si elle sâasseyait je devais lui donner de la bouffe, donc elle passait son temps Ă sâasseoir dâun air trĂšs fier en mode âtâas vu ? Je mĂ©rite une friandise, non ? MALTRAITANCE !!!â
Ne venez pas me dire que je fais de lâanthropomorphisme⊠DĂ©jĂ , ma chienne parle, donc oui, je fais de lâanthropomorphisme. Ensuite, je dis bien âcomme siâ. Câest difficile Ă expliquer, mais aux alentours du premier anniversaire dâadoption y a eu comme si notre relation Ă©tait scellĂ©e dâun coup et quâelle pouvait vraiment poser ses valises dĂ©finitivement. Et je ne suis pas la seule Ă avoir remarquĂ©.
ex-ĂŠquo avec toustes les autres chienâąnes, je fais pas les rĂšgles.
saletĂ© de piroplasmoseâŠ
omg
Ah Trufa, la meilleure d'entre nous !
(j'ai adoré tes intertitres).