[61] Ray Donovan - la misogynie en question
Ou comment le male gaze écrit des personnages masculins formidables et des personnages féminins... insupportables.
J’ai connu la série Ray Donovan parce que plusieurs autres séries la référençaient, assez pour qu’au bout d’un moment je me demande ce que c’était que ce “Ray Donovan” dont les personnages parlaient. Quand j’ai vu que c’était une série avec Liev Schreiber, que j’ai toujours adoré, je l’ai mise de côté pour la regarder.
Il y a quelques années, j’ai regardé deux épisodes puis suis passée à autre chose. Pourtant, ces épisodes m’avaient plu, mais je n’étais pas dans la bonne humeur pour regarder cette série, ça m’arrive parfois. Il y a quelques semaines, voyant qu’elle était disponible sur une des chaînes Prime que j’avais eue grâce à une réduction, je me suis dit qu’il était temps de retenter… Et je me suis faite complètement happer. Après quelques épisodes, j’ai dit à tout le monde de la regarder et j’étais persuadée que j’étais partie pour un marathon de qualité…
Quelques jours plus tard j’ai arrêté. Après une saison et trois épisodes de la deuxième sur sept saisons. Pourquoi ? La misogynie.
Et si vous souhaitez soutenir mon travail autrement, il y a mon ko-fi où vous trouverez du backstage, des articles sur mon rapport à l’écriture, et pas mal de photos de Trufa…
The State of Massachussetts
Ray Donovan est une série qui s’étale sur 7 saison de 2013 à 2019 et un film en 2022. Une des choses alléchantes est le casting : Liev Schreiber en tête d’affiche, Jon Voight qui joue son père, Dash Mihok son frère, Paula Malcomson sa femme… Bon, pas exactement des acteurices hyper bankable mais des personnes dont je suis le travail depuis des années et dont je suis convaincue du talent1. C’est en tout cas le casting qui m’a attirée plus que le pitch qui lui m’avait semblé un peu (à tort) générique : l’histoire d’un “fixer”2 à Los Angeles, homme de famille dévoué mais pas toujours très aligné avec la légalité de par son job, qui voit sa vie perturbée par son père qui sort de prison.
Pourquoi je dis que c’est à tort ? Parce qu’en réalité à ces histoires de fixer et de père qui sort de prison, il y a plusieurs autres histoires qui se mêlent : l’un des frères de Ray est un ancien boxeur avec Parkinson, ils se découvrent un demi-frère noir, le frère le plus jeune est traumatisé par des viols pédocriminels commis par un prêtre… Cette famille bostonienne catapultée à Los Angelesse traine tellement de casseroles que c’est difficile de pitcher la série correctement. Et c’est ce qui donne une richesse à l’histoire. On est loin d’uniquement suivre Ray dans son boulot à sauver les stars de leurs conneries, le handicap, les troubles psys, l’addiction, le trauma, sont des thèmes récurrents.
Et il y a tout ce qui tourne autour du père, joué magistralement par un Jon Voight impeccable. Un père violent, plein de biais, insupportable… A qui Ray reproche la mort de leur soeur, alors adolescente. Mais tout est constamment noyé sous les non-dits et plus on épluche cette tragédie familiale, plus on se rend compte qu’on n’y comprend rien et plus on doute de qui est le gentil, qui est le méchant, et qui est au courant de quoi.
L’un des thèmes qui m’a vraiment surprise c’est toute l’histoire du personnage joué par Dash Mihok, le petit frère de Ray qui a été violé par leur prêtre dans l’enfance. Tout est écrit avec finesse et l’interprétation de l’acteur est au milimètre près. C’est un thème qu’on croise finalement assez peu souvent et qui est souvent mal écrit (tout ce qui est pédocriminalité d’ailleurs), ici j’ai trouvé que c’était vraiment hyper soigné. C’est d’ailleurs cette storyline à elle seule qui a fait que j’ai recommandé la série à tout le monde, tellement j’ai été soufflée par son intelligence…
Bon et vraiment, les acteurs qui jouent les hommes Donovan (donc Ray, ses deux frères et leur père) sont vraiment très bons et ont une sacrée alchimie. On sent l’histoire commune, les non-dits, les blessures, mais aussi la confiance et la loyaué qu’il y a entre eux. J’aurais vraiment regardé plusieurs saisons d’une série juste sur leur famille, juste sur eux… le problème c’est que la série aborde d’autres sujets… a d’autres personnages… Et que tout n’est pas à la hauteur.
The Boys Are Back
Bon, je ne vais pas tourner autour du pot vu que je l’ai déjà dit plusieurs fois, il y a un problème de misogynie dans Ray Donovan. Et c’est pas que les personnages sont misogynes, quoi qu’ils le soient, ce qui semble à la limite assez cohérent vu leurs profils. Non, la misogynie se trouve du côté de l’écriture de la série. Et est assez prononcée pour que je ne tienne pas plus d’une saison et une poignée d’épisodes. Alors que, bien que je n’en ai pas forcément l’air quand on me lit ici, je suis vraiment capable de faire abstraction de pas mal de sexisme en fiction parce que c’est tellement présent que je ne peux pas avoir une pureté militante de ce côté là.
Mais Ray Donovan est une série qui a tellement de problèmes de ce côté là que je suis passée en une quinzaine d’épisodes de “OMG J’AI TROUVÉ UNE PÉPITE” à “personne ne pourra me forcer à regarder un épisode de plus”. Un retournement de situation assez extrême pour être noté et pour me donner envie de faire un article sur le sujet.
Les femmes dans cette série sont TOUJOURS insupportables. Il n’y en a pas une qui soit un minimum intéressante. Elles sont bêtes, mais surtout, elles sont vindicatives. Elles font toutes tout pour compliquer la vie du héros. Même sa fille est montrée comme une connasse de première qui passe son temps à remettre en question l’autorité de son père et à le mettre en difficulté.
Du personnage qu’on voit trois seconde à sa femme, le personnage féminin le plus importants, toutes les femmes de la série n’ont que des relations transactionnelles avec Ray. Elles veulent quelque chose de lui, elles le manipulent, ou lui mentent, ou le menacent, pour tirer quelque chose de lui. Là où il a plusieurs relations fortes et complexes avec des hommes (ses frères, son “patron” joué par Eliott Gould que j’adore, son employé…), toutes ses relations avec les femmes sont binaires. Qu’elles veuilles le baiser littéralement (oui parce qu’en plus bien sûr Ray passe son temps à s’envoyer les femmes de la série) ou plus métaphoriquement, quoi qu’il en soit elles veulent quelque chose de lui.
Et la pire, bien sûr, c’est sa femme. Montrée comme une espèce de sorcière qui n’a comme rêve que de déménager dans un quartier plus huppé et qui passe toute la première saison à le saouler avec ça tout en allant voir son père derrière son dos alors qu’il lui a dit qu’il était dangereux. Bon, elle se fait manipuler par le prèe en question, mais elle le fait aussi plusieurs fois par “vengeance” contre Ray quand il la met en colère.
Et je ne sais pas comment ils font, mais ils écrivent tellement mal le personnage que même le fait que Ray arrête pas de la tromper et soit hyper dans le contrôle finit par ne nous attirer aucune sympathie pour elle. Et Paula Malcomson, que j’avais adorée dans Deadwood, finit par devenir insupportable tellement le personnage est mal écrit. Mes parents ont vu Ray Donovan sans avoir vu Deadwood et détestaient Paula Malcomson au point où je les ai forcés à regarder Deadwood pour ne pas garder cet a priori sur elle3.
Mais surtout dans cette série ce qui pour moi montre vraiment la misogynie des auteurs, c’est le gap entre comment les personnages masculins sont écrits et comment les personnages féminins le sont. Les personnages masculins sont hyper subtils, plein de facettes, et sont tous à la fois hyper attachants et pouvant agir comme des connards. Même le père, qui est une pourriture, a des moments où il arrive à nous soutirer de l’empathie. Alors que les femmes ne trouvent absolument aucune grâce à nos yeux, parce qu’elles sont écrites pour ne pas en avoir. Elles n’existent pas en tant que personnages, pas au même niveau que les hommes de la série.
La seule qui trouve peut-être grâce à nos yeux, et encore c’est sûrement en partie parce que c’est un personnage très secondaire, c’est la salariée de Ray… Qui est lesbienne. Et donc se comporte exactement comme les hommes de la série, entre autres en réglant ses problèmes amoureux en cognant sur ses meufs, ahem. Mais bon elle au moins c’est pas juste une turbo-connasse constamment et elle a un peu d’intelligence, ce qui est loin d’être le cas des autres personnages féminins. Autant vous dire que dans cette série, côté femmes, la barre est au sol.
Des personnages féminins mal écrits dans des séries de qualité, c’est loin d’être la première fois que j’en croise. Mais TOUS les personnages féminins mal écrits dans une série de qualité, c’est rare. Et avec des personnages masculins aussi bien écrits, on ne peut pas se dire que c’est un manque de talent, c’est un choix. Un choix de voir les femmes comme des bouts de viandes ou des connasses, mais rien d’autre. Un choix de nier notre existence en tant que personnes complexes. Bref, de la misogynie pur beurre. De quoi me faire partir en courant.

Oui, même l’über-connard Jon Voight est bourré de talent
vous savez ces personnes qui règlent les problèmes des gens très riches. Du genre “ah une starlette s’est noyée dans ta piscine pendant ton orgie, attends je vais faire en sorte que l’affaire soit étouffée et que t’aies zéro problème”.
Ils ont bien sûr adoré Deadwood, qui pour le coup est une série qui a énormément de personnages féminins hyper bien écrits et complexes
Merci pour cet article instructif, c'est compliqué d'avoir le meilleur des deux sexes dans la même série... Donc tu recommandes d'oublier cette série là et de regarder Deadwood, je me le note ;)
Soutine à la pauvre Trufa 🫂
Merci Magali pour ton retour d'expérience. Encore une série que je n'ai pas vue et qui ne me donne pas envie de la voir 🤷♀️