[29] Des moral boosters pour lutter contre la fatigue militante
Parce que parfois on a besoin de recharger les batteries
J’ai décidé de parler uniquement de questions liées aux enjeux que vivent les femmes dans toutes les rubriques de ma newsletter ce mois-ci et, honnêtement, ça a été un peu difficile pour moi. Non pas que j’ai eu du mal à trouver des sujets à aborder, j’ai plutôt dû trier et choisir ce qui me semblait le plus pertinent, le plus urgent, et ce qui permettait de faire un programme varié sur tout le mois. Non, le problème ne se situe pas à ce niveau-là, mais plutôt dans ce que ça m’a demandé émotionnellement de n’aborder que ces questions pendant tout le mois.
Cette newsletter est faite pour aborder des questions éthiques, des questions liées à l’inclusion et à la diversité, des questions qui forcément ne sont pas folichonnes. L’idée c’est de se confronter aux enjeux, de réfléchir à des pistes de solution, d’analyser le monde dans lequel on évolue (que ce soit le monde réel ou le monde fictionnel). Bref, globalement, cette newsletter est un travail émotionnel quoi qu’il arrive.
Mais en général je trouve un équilibre en alternant des sujets plus légers avec des sujets plus graves, en alternant aussi les sujets pour lesquels je pense qu’on avance, avec ceux qui me semblent plus compliqués. Quand je me sens un peu fatiguée émotionnellement par ce travail militant, je peux choisir d’écrire une newsletter sur un sujet qui me touche moins, histoire de reprendre un peu de distance, ou sur un sujet pour lequel j’ai déjà pas mal de réponses, histoire que ce soit un peu plus satisfaisant.
Ce mois-ci, j’ai eu plus de mal à trouver cet équilibre de par le thème que je m’étais imposée. Je voulais absolument aborder les sujets importants et, forcément, ça m’a amenée à me confronter à beaucoup de colère, beaucoup de désespoir et beaucoup de souffrance. Petit à petit j’ai perdu toute l’avance que j’avais dans la préparation de mes articles et ça fait deux semaines que j’écris tout la veille, pas par manque de temps mais parce que je repousse à chaque fois à la dernière minute… Parce que je suis fatiguée.
Alors, ce dernier article de la newsletter du mardi sur le thème de la lutte pour les droits des femmes, j’ai décidé d’en changer le thème. Aujourd’hui, on va prendre une grande inspiration et parler de comment on se recharge émotionnellement quand on est à deux doigts du burn out militant. Je ne sais pas quelles sont vos méthodes, et si vous voulez les partager je suis preneuse, mais moi ça passe beaucoup par ce que je vais regarder, lire, écouter et qui va me permettre de recharger mes batteries. Voici quelques exemples de ce vers quoi je me tourne en général quand j’ai besoin de recharger mes batteries militantes :
Gilmore Girls : Série du début des années 2000, qui a eu une suite sous forme d’une mini-série en 2016, Gilmore Girls est connue pour plein de choses : des personnages qui parlent trois fois plus vite que la moyenne, une obsession pour le café (ce qui explique peut-être le premier point), des personnages secondaires hauts en couleur… La série est loin d’être parfaite et il ne faut pas en attendre plus que ça en est (il y a du classisme, de la grossophobie et même de l’homophobie de façon semi-régulière, bien que de façon “light” aussi). Mais c’est aussi une des rares oeuvres de fiction dont le thème est la relation de deux femmes. Quoi qu’il arrive, cette série parle de Rory et Lorelei et de leur (très imparfaite) relation. Quand j’ai besoin de me remonter un peu le moral, les voir parler à une vitesse grand v d’absolument tout et n’importe quoi tout en évoluant dans les décors semi-théatraux de leur petite ville avec leurs voisins perchés me fait sortir de ma déprime en moins de deux. (si j’exclue les épisodes en France et la période où Rory est insupportable)
Kiki Rockwell : Je crois que j’en ai déjà parlé dans cette newsletter, Kiki Rockwell est ma découverte musicale de l’année dernière et depuis elle est devenue un de mes moral boosters. Quand je suis un peu déprimée, quand j’ai plus d’énergie à donner dans mon travail militant, je mets ses chansons en boucle à fond pendant deux-trois jours et ça repart. Pourtant on n’est pas sur de la musique pop légère, les thèmes qu’elle aborde sont des thèmes sérieux mais elle arrive à provoquer une catharsis telle que j’ai l’impression de tout débaler quand je chante à tue-tête avec elle.
Pride : Ce petit film dont personne ne semble se souvenir raconte l’histoire vraie d’un groupe de militantes et militants LGBTQIA+ de Londres qui décident de soutenir la grève des mineurs gallois durant l’énorme grève sous Thatcher. Ce groupe se retrouve invité à venir visiter le village de mineurs gallois et, évidemment, le clash des cultures donne lieu à des scènes très drôles et à des moments très émouvants. Quand je suis démotivée au niveau militant, ce film me permet de me dire qu’on peut faire des choses, on peut avoir un impact, que ce soit au niveau militant qu’au niveau individuel, et qu’il faut juste continuer à faire ce qui nous semble juste même quand c’est difficile.
Empire Records : Ce film de 1995 n’est pas vraiment un film militant comme peut l’être Pride, mais il aborde quand même plein de thèmes qui pour moi sont importants dans ma posture militante : la recherche de la libération face à l’oppresseur, la lutte contre ce que la société essaie de nous imposer d’être en tant que femmes, l’équilibre précaire de la sororité, particulièrement en période de crise. De plus, c’est un film drôle, original, avec toute une galerie de personnages attachants et excentriques et plein de répliques cultes que vous aurez envie de hurler à tout moment. Par exemple, quand on vous demande pourquoi vous avez fait quelque chose : “I don’t feel I need to explain my art to you, Warren” fonctionne parfaitement s’il est dit sur le bon ton.
Mercy Thompson : La série d’une quinzaine de livres par Patricia Briggs n’est pas une série particulièrement militante. Il s’agit à première vue d’une série d’urban fantasy assez classique où l’héroïne, une werecoyote, croise le chemin de loup-garous, vampires, fae, fantômes et autres monstres dans une monde où une partie des créatures surnaturelles ont fait leur coming out et une autre continue de se cacher. Les livres sont plutôt bien écrits, l’autrice prend le temps de développer les personnages, les intrigues, les relations, et ça se renouvèle bien. Bonus, si vous êtes comme moi, il y a des relations amoureruses mais ça n’est pas une série que je classerais dans le genre romance parce que c’est loin d’être ce qui prend le plus de place. Il y a des versions très cool en audiolivres (en VO, je n’ai pas écouté en VF) et c’est vraiment le genre d’histoire dans lesquelles on entre facilement et qui peuvent nous aider à laisser de côté le reste. En plus, Mercy est un personnage profondément éthique qui ne supporte pas l’injustice et a tendance à se mêler un peu de tout par besoin d’être une bonne alliée, donc finalement ça touche un peu à ma vision du militantisme.
Dirty Dancing : J’ai parlé en longueur dans ce livre dans une newsletter précédente mais je ne voyais pas comment ne pas l’inclure, après tout “Nobody puts baby in a corner” !
Plastic Hearts : Avant que j’écoute l’album Plastic Hearts, Miley Cyrus était pour moi la gamine qui jouait dans Hannah Montana et qui travaillait très dur à casser son image disney en apparaissant aussi sexy que possible dans ses clips. J’avais tenté d’écouter une ou deux chansons et pas du tout accroché et n’aurais jamais pensé qu’elle puisse créer un des rares albums que je trouve parfaits. Cet album est fantastique. Les chansons sont géniales, les duos sont incroyables et la pochette a même mon rose fétiche. Bref, depuis cet album, Miley c’est ma girl. Quoi qu’il en soit, cet album quand ça va pas et que j’ai perdu toute motivation à me battre, c’est un vrai remontant.
G.L.O.W. : Le seul problème avec le fait de regarder G.L.O.W. quand je suis à bout niveau militantisme c’est que ça me rappelle qu’on nous annulé la série en nous promettant un film qui n’est jamais venu et ça me met en colère (bon du coup ça me relance, donc j’imagine que ça marche !). Une série avec des personnages féminins complexes et divers, avec finalement très peu de personnages masculins qui restent à leur place, et avec du catch, perso je ne peux que dire oui. C’est aussi une des rares séries où il y a des femmes grosses sans que ça soit tout une histoire. Et beaucoup de diversité à tous les niveaux. Et un personnage principal qui n’est pas tout à fait sympathique. Et une relation d’amitié un peu fuckée au centre de l’histoire. Bref, en cas de déprime ça a autant l’effet comique que l’effet catharsis, ce qui est vraiment pas mal.
Jane Austen : En livres, en films, en audiolivres, en adaptation théâtralisées à la radio, en réécriture… Si c’est du Jane Austen, ça fera l’affaire. La satire de Jane Austen est très défoulante, la voir décrire son époque avec une plume acérée est un vrai plaisir. Et si vous êtes fans mais que vous avez un peu envie de varier, la version réécrite avec des zombies est super bien faite, avec en plus un vrai hommage au texte d’origine. Et en bonus y a le livre et film (les deux sont bons) “The Jane Austen Bookclub” qui raconte l’histoire d’un groupe de personnes qui lisent l’intégralité des livres de Jane Austen, chaque partie étant sur le thème d’un des livres. Bon, peut-être que c’est un peu niche et qu’il faut déjà avoir lu tout Austen pour apprécier, mais moi j’adore.
Nanette : Si je vous disais à quel point le spectacle Nanette d’Hannah Gadsby a changé ma vie, je vous ferais sûrement un peu peur. Donc on va garder ça pour une newsletter prochaine et je ne vais pas m’étaler ici. J’adore les spectacles d’Hannah Gadsby, ils sont tous vraiment très bien. Mais celui auquel je reviens en période de doute, de fatigue, de déprime, c’est Nanette. Il a une telle force de catharsis et de reconstruction que c’en est dur de l’expliquer. Mais on rigole, on pleure, et on réfléchit sur soi-même, quoi de mieux pour recharger ses batteries militantes ?